tracteur embourbé comme moi dans mon projet d'écriture

Trois croyances qui ralentissent l’écriture

Fév 14, 2021 | Quotidien d'autrice, Réflexions créatives | 4 commentaires

Cette semaine, suite à une relecture de ma collèguamie Laure, j’ai corrigé quelques détails de mon livre. J’ai ensuite dit au garçon d’à côté, “bon ben j’aurai mis huit ans et demi à écrire mon premier roman”. Il est possible que j’aie poussé un gros soupir à ce moment-là. Le garçon en question, connu pour sa pertinence, a dit : “C’est pas la vitesse qui compte, t’es pas sur le Vendée Globe”. (C’est sa passion du moment). Et s’il a certes raison, j’ai quand même eu envie d’aller voir ce qui avait fait que ça m’avait pris — soyons lucides — TOUT CE TEMPS.

Moi au milieu de l’écriture de ce texte

J’ai vu au moins trois croyances que j’ai eu envie de partager avec toi : peut-être que l’une d’elles résonnera et pourra faire bouger quelque chose dans tes projets créatifs (d’écriture ou autre) ?

Croyance 1 : Il n’y a pas de fin possible.

L’histoire que j’ai écrite est assez triste. Bon, je l’espère lumineuse aussi. Mais on ne va pas se leurrer, ça parle notamment de coma et de culpabilité, et je passe ma vie à pleurer sur des bouquins (et j’adore ça), donc de manière assez cohérente, j’ai écrit un texte pas tout à fait youplaboum. Et pendant des mois, je ne voyais pas quelle fin donner à cette histoire. J’avais pourtant l’impression d’avoir exploré TOUTES les options.

Les options en question :

  • Une fin franchement triste (j’avais plusieurs options en termes de niveau de tristesse, mais ça se posait là quand même) : “non mais je vais achever les lecteur·rice·s, c’est HORRIBLE ils vont me DÉTESTER, toutes ces pages pour çaaaa aaaaah mais à quoi bon la vie”
  • Une fin carrément joyeuse : “QUOI ? Tu veux dire une happy end ? Non c’est mort, zéro crédibilité, ok j’adore l’Éloge des fins heureuses de Coline Pierré mais là, non, ce serait trop, c’est pas Disneyland ici.”
  • Une fin mystérieuse, genre on ne sait pas ce qui se passe : “Hmm, comme je ne sais pas choisir entre deux options, je laisse le/la lecteur·rice se débrouiller et décider de la fin ? Mais mais mais… c’est de l’ESCROQUERIE INTELLECTUELLE, ça ! Non, je refuse, ce manque de rigueur NE PASSERA PAS PAR MOI.”

(Oui il y a beaucoup de majuscules dans cet article, mais c’est pour vous dire que vraiment, le monologue intérieur était très animé #dramaqueen.)

Du coup, j’étais décidée à ne jamais finir ce texte. En fait, j’étais dans une belle polarité toute moisie : je ne veux pas d’une fin triste, donc qu’est-ce qui reste ? Une fin cotillons et confettis, musique à fond et ballons multicolores. Et ça, ça ne m’allait pas non plus. J’avais bien essayé d’explorer une troisième voie, mais qui était une option-roue-de-secours. C’est quand j’ai fait le choix de ré-explorer, pour de vrai, ce qui pouvait se passer dans l’histoire, en mettant de côté ce à quoi j’avais pensé en premier lieu, que j’ai pu trouver ma fin, ma VRAIE fin, celle qui m’a laissée hébétée puis qui m’a fait pousser des cris de joie en mode “purée c’est EXACTEMENT ça !!!”. Bref, cette fin, je l’aime trop.

Croyance 2 : Je n’aurai plus rien à écrire après.

Alors celle-ci, ça m’a pris quelque temps de la débusquer. Dans ce roman, je parle de voyages et de rencontres, d’amour et d’amitié, d’absence et de silence, de la langue qui dit et ne dit pas, de l’importance de nommer… Bref : de TOUS les thèmes qui me sont chers.

Pendant un certain temps, j’ai eu l’impression que je livrais dans ce bouquin absolument tout ce que j’avais à dire sur tous les sujets qui me tenaient à cœur. Et que du coup, logiquement, si je finissais ce texte, eh bien je n’aurais plus jamais rien d’autre à raconter. Or, comme j’aime bien (!) écrire, c’était très inconfortable de me projeter dans un espace de “je n’écris plus parce que j’ai déjà tout dit.” Donc il valait mieux laisser ce texte-là en plan. 

Comment ça, c’est tordu ? Non non, du tout, je t’assure, c’est parfaitement logique ! Ahlala, notre cerveau (le mien en tout cas) est quand même sacrément fort pour nous raconter des histoires… Et d’ailleurs, ben, ça tombe bien, parce que des histoires, c’est pile ce que je voulais avoir. Plus d’histoires, d’autres histoires, de nouvelles histoires.

Quand je suis en plein milieu d’un texte, il est normal que je ne voie pas d’autre texte possible, que celui-ci prenne toute la place. Pour que quelque chose d’autre puisse naître, il me faut… de l’espace. Une fois cela vu et intégré, j’ai pu finir le texte, laisser passer du temps, vivre ce que j’avais à vivre. Et… surprise ! Un autre texte est venu me murmurer (ou me crier, plutôt) qu’il voulait être écrit. Ça ne s’est pas fait en une semaine, mais quand même assez vite — je n’ai pas de souvenir de “ohmondieu et maintenant QUOI ?”. Et devine quoi… Dans ce deuxième texte, on retrouve à peu presque les mêmes thématiques (c’est pas mes thématiques de cœur pour rien), et pourtant, l’histoire est complètement différente, et je me rends compte que j’ai bien d’autres choses à ajouter.

Croyance 3 : Ce livre doit être parfait.

Quand j’ai commencé à écrire ce texte, c’était dans un atelier d’écriture auquel je participais, en 2012, j’avais 24 ans. Je ne savais pas que ça deviendrait un roman, ça s’est fait comme ça, au fur et à mesure, bribe après bribe. À un moment, je me suis dit “ah tiens on dirait une nouvelle”, puis “ah tiens on dirait un roman”. J’ai écrit avec des semaines et des semaines de pause, des mois à me dire qu’en fait, ça ne rimait à rien (je ne savais pas ce que je voulais raconter), puis des mois à le reprendre et à le réécrire parce que : évidemment, mon écriture avait changé (aha) et il fallait uniformiser tout ça.

Une fois le premier jet terminé (j’avais compris ce que je voulais raconter), je l’ai corrigé, fait relire, réécrit, envoyé à des maisons d’édition, réécrit, renvoyé à des maisons, discuté avec l’une d’elles, réécrit encore, renvoyé… Avant chaque réécriture, j’ai mis des semaines à savoir par quel bout prendre le truc.

La jauge d’énergie

J’ai cru que ce livre devait être parfait. Dans l’absolu. On est d’accord que ça ne veut absolument rien dire ? Oui mais je le voyais pas. C’était un livre parfait ou… pas de livre. Ariane, en début d’année, m’a dit : “on a une jauge d’énergie pour chaque projet”, et d’un coup, ça m’a éclairée. Ben oui. Et à un moment, il faut veiller à ce qu’il y ait encore assez d’énergie dans la jauge pour pouvoir mener le projet à bout. L’écriture, ça suffit ; quid de la suite ?

Ce n’est pas un livre parfait, c’est le meilleur livre que je puisse écrire aujourd’hui, avec ses personnages, leur histoire et la mienne, ma traversée de la vingtaine. Maintenant, j’ai envie d’autres personnages, avec d’autres questionnements, et d’autres moments de vie, et c’est à ça que je vais consacrer mon énergie.

Alors voilà, ces croyances sont débusquées et ce livre-sans-doute-pas-parfait-mais-à-la-fin-que-j’aime, terminé.

Et maintenant ?

En 2021, j’ai décidé d’autoéditer ce roman, notamment parce que ça a du sens pour moi qu’il existe ailleurs que sur mon ordinateur. J’ai TRÈS envie de te raconter les coulisses de cette aventure-là, les choix, les questions, les enthousiasmes, les hésitations. Je vais faire ça sur Tipeee, une plateforme de soutien aux créateur·rice·s. Si ça t’intéresse de voir ce projet-là prendre forme, c’est  :

Soutenez Amélie Charcosset sur Tipeee

Et puis bien sûr, par ici, je tiendrai au courant de la sortie de ce livre-ci, youpi ! 🙂

Et toi, quelle est la croyance qui t’a ralenti·e (ou arrêté·e ?!) dans un de tes projets créatifs ? Je serai ravie de te lire en commentaire !

Psst, cet article a d’abord été publié sous forme de newsletter le 14 février 2021. Envie d’en recevoir plus dans ta boîte aux lettres ?