C’est une de ces périodes groumpf où tu n’arrives pas à te défaire de la sensation que tu écris toujours la même chose ? J’ai deux bonnes nouvelles pour toi : la première, c’est que tu n’es pas le/la seul·e, et la deuxième, c’est que… ce n’est pas (forcément) grave !
“Non mais moi, j’écris *vraiment* toujours la même chose”
Sur Twitter, il y un compte que je suis qui s’appelle @MagicRealismBot. Il génère de manière aléatoire des “histoires magiques toutes les 4h.” On peut donc par exemple y lire (en anglais) :
- - “Il y a un lion à Buenos Aires qui est trente fois plus courageux que toi.”,
- - “Un psychologue possède une lettre de Spinoza sur le thème de l’horreur.”,
- - “Une hygiéniste dentaire palestinienne déprimée achète une paire de lunettes qui lui permet de voir, écouter, sentir, toucher et goûter Airbnb.”
- - “L’existence est en train de jouer au golf à Detroit.”
J’aime bien quand ces histoires surgissent dans ma timeline, et m’ouvrent de petites fenêtres vers ailleurs.
Il y a quelque temps, le robot a généré l’histoire suivante : “Un homme passe sa vie à réécrire un poème.”
© Prawny, pixabay
D’après les réponses au tweet en question, c’était même plus magique, juste réaliste. Florilège :
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- - Ah, c’est moi en fait.
- - Ouhla, je me sens attaquée personnellement.
- - Et même qu’à la fin, c’était nul…
- - Ceci… est la vraie vie.
- - J’ai l’impression d’être observé…
- - L’histoire de ma vie.
Bref, tout le monde avait l’air de trouver ça vachement proche de soi, mais en version pas agréable. Un peu comme quand on lit 1984 et qu’on se dit, “beuuuh mais on y est, en fait, là”.
Réécrire son poème, ça veut dire non pas retravailler le même texte encore et encore mais remettre sur le métier les mêmes problématiques, les mêmes nœuds, les mêmes obsessions, et voir comment elles surgissent dans chaque écrit.
J’écris toujours la même chose… et alors ?!
Très régulièrement, c’est pénible. Je passe par des phases où j’en ai archi-marre d’avoir l’impression d’être EN BOUCLE sur les mêmes sujets, carrément pas originale, même plutôt ennuyeuse à force (oui bon ça va, le rapport à la langue et au dire, on a compris).
Pendant longtemps, j’ai envié des auteur·rice·s qui m’avaient l’air d’écrire toujours du neuf, du différent, du nouveau. Dans le genre, j’ai été fascinée par l’œuvre de Laurent Gaudé (dont j’aime toujours beaucoup les bouquins par ailleurs) : j’avais l’impression — parce que ça changeait souvent de cadre spatio-temporel — que tout était toujours incroyablement original. Et puis à un moment j’ai compris que lui aussi (“même lui…”) avait des interrogations récurrentes, et que c’était ça — entre autre — qui faisait que je revenais à chacun de ses livres. Parce que je savais que ses territoires d’écriture entraient en résonance avec mes envies de lecture.
Tout ça pour dire : c’est ok, de passer du temps (sa vie, même) à réécrire son poème. Parce qu’on évolue et que ce qu’on dit des choses évolue avec, s’approfondit, se creuse.
Un jour d’archi-marre d’il y a des années, mon amie Julia m’avait dit : “Si tu écris encore là-dessus, c’est juste que tu n’as pas fini d’explorer le sujet”. Depuis, je pense souvent à ça. À un territoire d’écriture, comme à un pays où j’aimerais aller passer des vacances encore une fois parce que je n’en suis pas du tout lassée. Mais peut-être qu’après y avoir tendu le pouce l’été dernier, cette fois, c’est à vélo que j’irai.
Et toi, comment est-ce que tu gères l’idée que tu écris toujours la même chose ?
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Envie d’expérimenter d’autres façons d’écrire ? L’atelier d’écriture peut servir à ça, bienvenue 🙂