À l’atelier d’écriture de ce matin, j’ai rencontré Yvette. Et Yvette, elle aurait aimé être ailleurs.
Yvette débarque en disant, “on m’a dit de venir là mais si j’avais pu faire autre chose, j’aurais préféré vendre des légumes sur le marché”.
Yvette dit aussi, “mais moi je ne me souviens d’aucune date, faut pas me demander des histoires avec des dates, je les sais plus.”
Yvette dit enfin, “j’en ai pas dormi de la nuit, de votre truc, moi j’étais nulle à l’école, l’instit, elle nous faisait mettre nos doigts en pince, comme ça, et avec la règle, vlan !”
Yvette, j’essaie de l’apaiser.
“Ça tombe bien”, je dis, “je n’ai rien prévu autour des dates ! Et j’ai pas de règle avec moi. Et puis d’ailleurs on n’est pas à l’école. Et je suis désolée d’apprendre que vous n’avez pas dormi, j’espère que votre matinée sera quand même plus sympa que votre nuit !”
Yvette lit en disant, “ah mais moi c’est très terre à terre hein.”
Yvette lit en faisant des commentaires.
Yvette écrit en demandant, “il faut un d à puits ? J’ai pas été au collège, moi.”
Yvette s’exclame, “oh non j’ai oublié le truc des ratons laveurs, là (coucou Prévert), ça se fait de rajouter des trucs au milieu alors qu’on a fini ?”
Yvette dit, “j’en ai plein des anecdotes, moi, mais votre phrase, elle me bloque” (c’était du Perec).
Yvette écrit quand même. “Là où bien je tourne le page ?”
Comme vous voulez, Yvette, tout est possible.
Yvette a des expressions fabuleuses que je note dans la marge de mon carnet, “mais vous allez corriger nos textes avant hein, ce serait mieux parce que moi j’écris pas dans un français qui s’écrit.”
Pourtant, je les vois, la salle de classe, le crâne du pasteur comme “une patinoire à mouches”, les champs quand son mari et elle étaient paysans, et les amis qui partent avant soi-même et ce que ça fait dans le corps.
À la fin, Yvette me souffle, “vous m’avez réconciliée avec l’écriture”, et moi qui déteste tant le conflit, je tremblote dedans.
À la fin, Yvette attrape un Post-it encore vierge et y écrit son adresse : “j’ai une salle dans mon oasis de verdure, c’est très beau, très calme, 3 ou 4 voitures peuvent se parquer, je peux vous la prêter pour des ateliers.”
Touchée.
Et vous écrirez avec nous Yvette ?
“Ah ça, on verra.”
J’ai ma petite idée.