Je suis toujours à la recherche de nouvelles pratiques pédagogiques pour enseigner la langue à ajouter à ma boîte à outils de formatrice de FLE. Je suis notamment preneuse d’outils qui favorisent la dynamique de groupe et facilitent la prise de parole : que parler français et suivre des cours de langue soient considérés comme des choses joyeuses et motivantes par les apprenant·e·s, qu’ils soient à un niveau débutant ou de perfectionnement.
Récemment, ma découverte du photolangage à Alternatiba Bruxelles m’a mis l’eau à la bouche et les neurones en action ! Comment réutiliser cela dans mes cours de français langue étrangère, ateliers linguistiques, projets professionnels avec des non-francophones ?
Je vous raconte comment j’ai commencé à intégrer le photolangage dans ma pédagogie pour travailler le français avec des élèves.
La méthode du photolangage : un outil ludique pour apprendre le français
Le photolangage est un outil d’éducation permanente qui s’utilise aussi en coaching ou dans certains types de thérapies. En cours de langue, c’est surtout un outil qui facilite l’expression personnelle et la pratique communicative de la langue, grâce à un jeu de photos. Il permet aussi de confronter les représentations de chacun et chacune, et de faire émerger des points de vue singuliers, ce qui est précieux quand on travaille ensemble.
On présente au public un jeu d’images, constitué de plusieurs dizaines de photos. On lui pose une question, et on demande à chaque membre du groupe de choisir une (ou deux) photo(s) pour y répondre. Chaque personne devra ensuite expliquer pourquoi elle a pris telle ou telle photo.
Ma première utilisation du photolangage en FLE
Hier, premier cours du semestre avec deux petites Italiennes de 10 et 12 ans. Je les ai déjà eues en FLE l’année dernière. Leur langue maternelle est l’italien. Elles parlent aussi allemand à la maison — leur langue seconde. Et elles font leur scolarité dans une école française… où elles suivent aussi des cours d’anglais ! Bref, malgré leur jeune âge, elles ont déjà un usage ultra intensif des langues étrangères !
À l’oral, tout va bien, elles ont notamment une super prononciation. À l’écrit, c’est plus compliqué. Côté compréhension écrite, c’est bien, mais elles écrivent français avec une graphie italienne où le son « ch » se transforme en un « sch » allemand. Ça donne des choses comme « le schato e tre solide ».
Et c’est tout un défi de reprendre avec elles l’écriture du français. Un de mes buts en tout cas : les faire écrire et lire, et aimer écrire et lire en langue étrangère. Nous inventons donc histoires, poèmes et devinettes à tour de bras. Nous lisons aussi des tas d’albums jeunesse, tout en reprenant un peu la grammaire, pour améliorer leur expression écrite. Mais ça ne nous empêche pas de travailler aussi, un peu, la communication orale…
Hier, pour leur premier cours de FLE de l’année, je voulais faire le point sur leurs motivations et clarifier leurs envies. Elles qui naviguent entre plusieurs langues étrangères, quels sont leurs désirs par rapport à leur apprentissage du français ? Je me suis donc lancée dans un photolangage.
Le photolangage en FLE
J’ai posé deux questions à mes élèves pour voir où elles en étaient de leur envie de suivre des cours de français.
Question 1 : Qu’est-ce que vous pensez de la langue française ?
“Le français, pour moi, c’est comme ça, c’est très compliqué. Il y a plein de chemins mélangés. Mais on sait qu’on va arriver à la gare et après, à la gare, tout est clair. Et il y a plusieurs chemins qui vont à la gare, on peut un peu choisir son chemin.”
“C’est comme si j’étais sur 1 ou 2, et parler très bien français, c’est tout en haut, au ciel. Je voudrais être à 4 et 5 pour avoir les pieds bien en équilibre. Avant, on est à cloche-pied, mais à 4 et 5, on peut un petit peu se reposer.”
Question 2 : De quoi est-ce que vous avez envie pour cette année dans les cours de français ?
“Moi, je voudrais jouer. Je voudrais qu’apprendre le français, ce soit seulement jouer.”
(Oui, euh, le message est très clair et bien passé ! :’))
“Cette année, je voudrais faire de grands sauts dans le français. Des sauts en avant, tu vois ? Ne pas avoir peur.”
Les filles ont vraiment apprécié le dispositif, et moi aussi ! « C’est comme un jeu », « on arrête déjà ? », et de mon côté, j’ai trouvé les résultats très éclairants sur leur apprentissage de la langue, et l’approche plutôt poétique – ce qui me va, évidemment.
Quelques conseils pour utiliser le photolangage en classe de FLE
La formulation de la consigne pour un photolangage efficace
Prévoyez une question ouverte. J’aime bien, par exemple, les questions commençant par “pourquoi”, “en quoi”, “que pensez-vous de”.
Le choix des photos
Choisissez des photos attrayantes. Il existe des jeux de photos déjà constitués exprès. Dans ce cas-là, n’hésitez pas à enlever celles qui ne conviendraient pas à votre public. Je possède par exemple ces cartes-là de photolangage ; vous pouvez aussi trouver des jeux d’images en téléchargement. On peut également détourner des cartes prévues initialement pour autre chose. J’adore utiliser les illustrations du jeu de société Dixit, qui apportent une touche très onirique à l’activité. Vous pouvez enfin fabriquer votre propre collection à base d’images découpées dans des magazines, ou de cartes postales par exemple (mais ça peut vite être chronophage !). À vous d’expérimenter ce qui fonctionne le mieux et ce qui vous parle le plus !
La durée de l’activité
Limiter l’activité à 1 ou 2 questions maximum pour que le mécanisme ne lasse pas l’ensemble des participants. Par contre, c’est une pratique qu’on peut instaurer de manière régulière pour que les apprenants puissent s’exprimer oralement. Cette courte activité orale peut en effet tout à fait devenir un rituel, pour peu que vous ayez le jeu de cartes à portée de main.
Le meilleur moment pour faire un photolangage en FLE
Le photolangage trouve sa place à différents moments de la classe de langue : au début de la formation ou à la fin, en guise de conclusion. Ou bien entre deux activités pour proposer une transition et dynamiser le groupe !
Le niveau de français nécessaire
À mon avis, le photolangage s’utilise très bien avec des élèves à partir du niveau A2 (voire fin de A1), selon notre cher Cadre européen. Évidemment, on n’attendra pas le même degré de précision dans la réponse d’un B2 que dans celle d’un·e apprenant·e en fin de A1, mais le fait d’avoir des photos sur lesquelles s’appuyer est un chouette repère et point de départ pour les débutants. Et si les apprenant·e·s veulent se perfectionner, les photos choisies peuvent aussi permettre de travailler du vocabulaire et certains champs lexicaux pour reformuler et filer les métaphores !
Les variantes extra-créatives
Dans mes ateliers et formations, j’ai souvent pour objectif secondaire (ou même principal) de développer la créativité des participant·e·s. Je propose donc régulièrement deux variantes qui les poussent à faire preuve d’imagination.
- Au lieu de choisir une carte pour répondre à la question posée, les personnes tirent au hasard la carte qui va orienter leur réponse. À elles de trouver ce qu’elles peuvent/veulent dire à partir de cette image !
- Autre option : les stagiaires choisissent une photo comme s’ils allaient l’utiliser pour répondre, et l’échangent ensuite avec celle de leur voisin·e ! C’est à partir de cette nouvelle image qu’ils doivent parler. Une bonne entrée en matière quand je dis que la créativité est un muscle qu’il faut entraîner !
- Dans un niveau plus avancé, en brise-glace en début de formation, je leur fais choisir des cartes, et je leur pose la question seulement ensuite (#machiavélique) : “Qu’est-ce que ces cartes disent de vous ?” Parfait pour des présentations qui sortent de l’ordinaire !
Un photolangage à distance ?
Si, bien sûr, le photolangage est une activité qu’on imagine plutôt en présentiel, il est tout à fait possible de l’adapter pour un usage en ligne. Pour cela, j’ai les photos numérotées sur un drive, en affichage galerie, et les apprenants choisissent ainsi. Si je veux leur faire tirer au sort une image, je leur propose de choisir un numéro en amont, qui correspond ensuite à une photo. On peut aussi utiliser la super fonction “Tirage au sort” (Images) de Digitools.
Et en cours particuliers ?
Eh bien magie, ça marche aussi. Je participe alors avec l’apprenant·e pour qu’on puisse échanger et que le résultat soit interactif. Comme toujours en individuel, l’élève a tout le temps de s’exprimer clairement et de s’exercer à la prise de parole en continu.
Des activités au-delà du photolangage
Le photolangage est un outil que j’ai vite ajouté à ma mallette pédagogique pour faire s’exprimer les apprenants. En plus, ça marche sur des sujets divers et variés, et ce, quel que soit le niveau de langue des stagiaires… et leur âge. Que ce soit en milieu scolaire, en formation des adultes ou avec mes étudiants étrangers Erasmus en cours intensifs, les participant·e·s se prennent souvent au jeu du photolangage. Même dans un cours de préparation aux examens du DELF ou du DALF, ça peut permettre de s’échauffer et de s’entraîner au monologue suivi de façon légèrement décalée.
Une fois que vous avez intégré des photos à votre matériel de cours, vous pouvez aussi les utiliser pour beaucoup d’autres choses : raconter une histoire, ajouter des bulles de paroles aux personnages ou imaginer des légendes décalées… Voici plein d’autres activités possibles à partir de photographies.
Et vous, collègues formateurs et formatrices, allez-vous rajouter le photolangage à votre sac à malices ?
Des expériences d’utilisation du photolangage en FLE à partager, des variantes à proposer ?
Vous l’avez compris, je suis aussi curieuse de techniques d’animation de groupe, et d’outils qui valorisent le collaboratif, dans la formation pour enfants ou pour adultes. Si vous avez des réactions ou des idées, n’hésitez pas à commenter ! 🙂
Et si vous êtes à la recherche de plus de façons de développer la créativité de vos apprenant·e·s, vous pouvez vous abonner à la newsletter ! J’y parle beaucoup de développer sa propre créativité d’abord, et de comment écrire et s’exprimer à l’écrit. En effet, je pars du principe que c’est quand on est à l’aise avec des outils qu’on arrive le mieux à les transmettre !