J’ai vu il y a quelques jours le film Just like our parents. À part le fait qu’il m’a donné envie d’apprendre le portugais (c’est un film brésilien), je n’en garde pas grand chose… Bon, d’accord, en fait si : un agacement aigu tant j’ai trouvé que ça manquait de cohérence, de fond, de crédibilité, et que les personnages étaient creux (#bienveillance).
Pourquoi donc est-ce que je vous en parle, du coup, hein, franchement ? Eh bien parce que la personnage principale, Rosa, se désole d’avoir mis son ambition de devenir dramaturge au placard : dans la vraie vie avec un mari, deux petites filles, un père qui perd la tête, des secrets de famille, etc., elle se retrouve plutôt à écrire des textes sur les carreaux de salles de bains pour nourrir ses enfants.
Dans une scène magnifique (non) avec son amantparfait (alors que son mari est plutôt dans la catégorie maripourri), elle prononce une phrase dont elle dit qu’elle pourrait « être dans l’acte 2 ». L’amantparfait lui dit, « ben vas‑y, écris-le », elle répond que la date du concours de textes est passée, ET LÀ, il dit : « Mais tu écris pour qui ? Pour toi ou pour les autres ? » Et cette question rhétorique, délicate (non) et pleine de sagesse (toujours pas), lui fait prendre conscience de la réalité (gros plan sur son sourire reconnaissant), et hop, elle se remet à écrire.
Fleurs et paillettes.
Et ça, ah oui, ça, ça m’a énervée.
Parce que c’est une conception, je crois, extrêmement simpliste de l’écriture et de la création en général. J’écris pour moi, oui… mais pas seulement (le fait de tenir divers blogs depuis 13 ans (sic) est un gros indice), et quand bien même j’écrirais seulement pour moi, ça ne voudrait pas dire que ce serait facile de le faire. Parce qu’il est souvent plus facile de scroller indéfiniment son fil Twitter, d’arroser ses plantes, de regarder par la fenêtre, de lire un bon roman enroulée dans un plaid (vous aussi, vous le sentez venir, l’automne ?), de faire un gâteau pour le goûter que de se mettre à écrire.
Ces activités faites « à la place de » ont pour point commun qu’on en retire une satisfaction immédiate (bon, plus ou moins : pour le gâteau, il est conseillé d’attendre la fin de la cuisson pour le manger). Alors que concrètement, l’écriture, ce n’est pas toujours ça. Entre les personnages qui n’en font qu’à leur tête et les phrases qu’on relit en se disant « mais bon sang qu’est-ce que c’est nuuul », ce n’est pas forcément évident.
Du coup, j’ai eu envie de vous partager mes quelques pistes pour me (re)mettre en écriture les fois où je m’arrête pendant un peu trop longtemps et où regarder des vidéos de renards amoureux me paraît soudainement beaucoup plus intéressant.
(Astuce 0 : avoir des carnets trop mignons, offerts par des aimées, ici, Mam et ma sœur.)
Astuce 1 d’écriture – Utiliser Cold Turkey Writer
Aux grands maux les grands moyens, et quand je suis bloquée dans une boucle Facebook-Twitter-Mails-Facebook-Twitter sans parvenir à m’en dépatouiller, et alors que la satisfaction immédiate n’est même plus là (tout le monde crie ou est en vacances et ma vie est pourrie), je sors ma botte secrète, le programme Cold Turkey Writer, qui m’a séduite malgré son nom pas du tout vegan-friendly. Cold Turkey Writer, c’est absolument tout bête : une page blanche de traitement de texte, et tout le reste vous est bloqué pendant un temps que vous choisissez avant d’appuyer sur « start » (vous pouvez aussi choisir un nombre de mots si vous préférez) (Il est conseillé de bien choisir votre playlist avant de démarrer…). Si le fait de n’avoir accès à rien d’autre vous semble insurmontable (mais c’est bien là le but, en fait, si vous m’avez suivie), vous pouvez aussi cliquer sur « don’t block me ».
Une petite barre en haut vous montre l’avancée (des minutes ou des mots) et quand vous avez atteint votre objectif, vous pouvez décider soit de continuer, soit d’enregistrer et de quitter. En plus, comme il n’y a pas de mise en forme possible, vous ne passez pas un quart d’heure à tester des polices de caractères ou des tailles de marges différentes.
En général, je lance Cold Turkey Writer pour 25’ (le temps d’un pomodoro, autre méthode grâce à laquelle je travaille au quotidien à la maison #indépendantemonamour), et c’est parti ! À télécharger gratuitement ici.
Astuce 2 d’écriture – Me souvenir que j’ai des idées
Peut-être vous dites-vous maintenant « ah ben moi je ne peux pas me souvenir que j’en ai parce que je n’en ai pas justement, et c’est bien ça le problème ! ». Voici donc un exercice que je propose extrêmement régulièrement en début d’atelier, notamment lorsque j’anime pour des personnes qui n’ont pas l’habitude d’écrire et qui sont persuadées de n’avoir rien à dire.
Je donne un premier mot au hasard, « fauteuil », et les participant.e.s ont 1’30 pour écrire, chacun.e, une chaîne de mots : « fauteuil » leur fait penser à « chaise » qui leur fait penser à « assis » puis à « debout » et puis aux « nuits debout » (par exemple…), etc.
Le but du jeu est évidemment de ne pas réfléchir : interdit de lever le nez de sa feuille, et même de s’arrêter de s’écrire. Si vous n’avez plus d’idée, réécrivez le mot que vous venez de noter, trois fois, quatre fois s’il le faut ; à un moment, un autre arrivera. Autre règle : pas de censure. Si un mot vous paraît stupide, vulgaire, déplacé, pas pertinent, prenez-le quand même !
Les associations peuvent être des associations d’idées, ou de sons, et bien sûr un mélange des deux : fauteuil — chaise — assis — rassis — pain — main — poignet — poignée — porte — clé — blé — avoine, etc.
Cet exercice a plusieurs avantages : il met en écriture, tout bêtement. La fameuse angoisse de la page blanche est déjouée (tout le monde arrive à une liste de mots, qu’elle soit composée de 4 termes ou de 26), et les liens entre les mots peuvent permettre de prolonger l’écriture. Si vous ne savez pas quoi écrire, écrivez un texte qui intègre tous les mots notés (ou les 10 premiers / derniers / un sur deux…)
Et dernier avantage que j’aime beaucoup : c’est un peu comme si vous faisiez un scanner de votre inconscient à cause des connexions entre les mots (en fonction du jour et de l’humeur, il y a moyen que « fauteuil » donne aussi : chaise — électrique — foudre — orage — rage — dents…), « ah oui, tiens, on dirait que ça va bof, aujourd’hui ». Ça permet de se souvenir d’être bienveillant.e avec soi, qu’on soit en train d’écrire… ou pas !
Fuck The Others Love Yourself GIF from Fucktheothers GIFs
Astuce 3 d’écriture – Écrire un poème autodaté ou un réel à prise rapide
Quand on a un projet ambitieux (que ce soit une trilogie ou un sonnet monosyllabique isométrique ou toute autre invention loufoque oulipienne) et qu’on n’y a pas travaillé depuis un petit bout de temps, s’y remettre relève parfois de l’exploit, tant tout semble s’être éloigné : comment s’appellent mes personnages, déjà ? Et comment parlent-iels ? Et comment je fais maintenant que je suis bloqué.e par une rime orpheline ?…
J’apprends que simple, triomphe, quatorze, quinze, pauvre, meurtre, monstre, belge, goinfre et larve ne riment avec aucun autre mot.
(Oui).
— Guillaume D. (@GDeleur) August 11, 2017
Et c’est mécanique et humain, mais plus j’ai peur, plus je repousse, plus j’ai peur, plus je repousse…
Alors quand je me sens dépassée par mes projets, je reprends en écrivant de petites choses. J’ai deux techniques que j’aime profondément :
- le poème autodaté, invention de Benoît Richter, une forme courte, simple à comprendre et jamais identique. Ecrivez la date du jour verticalement (sur 8 lignes : 21082017). Votre poème (sans rimes ni nombre de syllabes à respecter) comportera, par vers, le nombre de mots indiqué par la date : 2 mots pour le premier vers, 1 pour le 2ème, 0 pour le 3ème, 8 pour le 4ème, etc. Plus d’infos ici.
- les réels à prise rapide : je ne sais plus comment je suis tombée sur cette liste un jour au hasard de mes pérégrinations sur Internet, mais c’était déjà il y a bien longtemps. Pour chaque jour de l’année, une amorce qui commence par « Aujourd’hui » (aujourd’hui bleu, aujourd’hui ce qui me porte, aujourd’hui comme dans un film de Hitchcock…). Vous devez écrire une centaine de mots (dix lignes) pour raconter quelque chose de votre journée à travers ce prisme. J’ai fait cet exercice pendant un an avec mon ancienne coloc, et c’était vraiment chouette. Il m’arrive de le refaire, donc, pour me replonger dans un processus créatif en douceur.
Astuce 4 d’écriture – Me créer des échéances
Oh, comme je comprends l’héroïne du film Just like our parents qui perd sa motivation lorsque la date du concours est passée ! Je suis une experte des dossiers réalisés la veille de la date limite, des enveloppes postées in extremis. En terminale, je commençais le lundi à 10h par 2h de philo, j’ai passé la plupart de mes lundis matins à recopier mes dissertes de 8h à 10h (oui, juste recopier, parce que j’avais quand même fait un brouillon le dimanche soir…). Et depuis, je n’ai pas beaucoup changé. Je suis mille fois plus efficace avec de l’adrénaline, des échéances (voilà les choses mises au clair pour celleux d’entre vous avec qui j’aurai à travailler prochainement :)), et le petit stress de est-ce qu’on va y arriver ou pas.
Du coup, si vous êtes comme moi, je vous encourage à participer à des projets d’écriture à plusieurs (les Vases communicants où on accueille un.e auteur.e sur son blog et on va écrire chez iel, l’Inventoire dans lequel on peut répondre à une proposition d’atelier avec son propre texte, l’atelier en ligne de l’été de François Bon), au NaNoWriMo (grande initiative qui consiste à écrire les 50 000 mots d’un premier jet de roman entre les 1er et 30 novembre de chaque année), à des concours de textes (vous pouvez trouver des infos ici). Choisissez-en un dont le thème (ou le prix, chacun.e ses motivations après tout !) vous tente particulièrement, et tenez-vous y ! Et si rien de tout ça ne vous tente, vous pouvez bien sûr créer vous-même votre projet d’écriture collectif.
Astuce 5 d’écriture – Lire
Peut-être que « lire » n’est pas le verbe approprié. Peut-être qu’il vaudrait mieux dire « feuilleter », « picorer ». Parce que si vous vous lancez dans un pavé passionnant et haletant de 800 pages, votre document texte risque de devoir patienter encore un peu. Il s’agit plutôt de vous appuyer sur votre bibliothèque pour écrire. J’adore m’assoir sur le parquet devant mes caisses à vin pleines de livres (#tiprécup) pour regarder ce qui m’attire, ce que j’ai oublié, ce que je n’ai pas encore lu, ce que j’aimerais relire. Saisir un livre, l’ouvrir au hasard, parcourir un paragraphe ou deux, le refermer, en prendre un autre.
Pour écrire à partir de vos livres, vous pouvez bien sûr choisir une phrase au petit bonheur la chance et l’utiliser pour démarrer un texte, mais vous pouvez aussi écrire :
— un centon : un texte composé seulement d’extraits de vos livres.
— un poème de titres : un poème composé seulement avec les titres de vos livres empilés les uns sur les autres.
— un poème fondu : un texte composé avec seulement des mots d’une page d’un de vos livres. Les mots peuvent être supprimés, changés de place, mais pas modifiés.
S’approprier, malaxer les mots des autres pour y (re)découvrir sa propre voix, c’est ludique et ça fait moins peur : la page n’est à aucun moment vide !
Voilà, si vous avez laissé l’été se mettre entre vos mots et vous, peut-être pouvez-vous piocher dans ces quelques idées pour vous lancer ! Lesquelles vous inspirent ?
Et vous, quels sont vos trucs et astuces pour vous y (re)mettre ?
Et puis enfn, vous écrivez pour qui ? 😉
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Vous avez envie de vous (re)mettre en écriture mais avez besoin d’être guidé·e ?