Couverture du livre sur la créativité et l'épanouissement professionnel Vivre pleinement son ikigai de Christie Vanbremeersch

L’existence créative de Christie Vanbremeersch : “Mon boulot, c’est d’y aller”

Déc 1, 2024 | Collaborations, Réflexions créatives | 0 commentaires

Une chose que j’aime beaucoup dans la vie, c’est me laisser inspirer par d’autres personnes. Me frotter à leur univers. Plonger dans ce qu’elles ont à raconter avec un bon paquet d’enthousiasme. Leur emprunter des habitudes, des idées, des façons de faire et d’être au monde. Parmi ces personnes, il y a Christie Vanbremeersch.

Ça doit faire sept ans que je la lis maintenant, sur son blog, dans ses livres, sa newsletter. Voici une liste certainement non exhaustive de choses découvertes / faites / expérimentées en côtoyant son travail :
— tenir un carnet de J’aimerais, je pourrais ;
— faire des vadrouilles à vélo solo (et plus récemment, une vadrouille à pied) ;
— trouver plein d’énergie et de clés pour mettre des limites grâce à l’un de ses programmes-compagnons ;
— arriver enfiiin à écrire mes pages du matin ;
— côtoyer le travail formidable de Priya Parker sur l’art de rassembler des gens qui me nourrit tant ;
— commencer un « rejection challenge » pour me pousser à demander des choses ;
— me poser régulièrement et avec résultats probants la question « de quoi ai-je la force ? » ;
— aller me balader (presque) tous les jours.
Bref, vous l’aurez compris, Christie fait partie des gens dont le travail me fait grandir.

Je suis donc très heureuse de l’avoir interviewée à l’occasion de la sortie de son livre, Vivre pleinement son ikigai, Comment gagner et remplir votre vie avec ce qui a du sens pour vous. On y parle de son rapport à la créativité, et elle partage sa philosophie autour de ça, que je trouve si joyeuse et vivifiante. J’espère que vous y trouverez des pépites pour vous.

Christie Vanbremeersch

Amélie : Je sais que tu adores les questions brise-glace. Celle que j’ai pour toi aujourd’hui, c’est : si tu étais une pâtisserie, tu serais quoi et pourquoi ?

Christie Vanbremeersch : C’est marrant parce que ça fait deux-trois jours que je rêve de faire une tarte tatin mais là, je pense plutôt à un cake au citron bien moelleux, donc avec beaucoup de gras et des petites graines de cardamome, et de pavot. À la fois moelleux sucré, et très citronné, avec le croquant des graines de pavot… Toutes ces saveurs qui se découvrent au fur et à mesure. Et toi, tu serais quoi si tu étais un gâteau ?

Amélie : Un muffin, bien joufflu bien moelleux, avec des pépites de chocolat pour tous mes grains de beauté. Est-ce que tu pourrais te présenter comme tu aurais envie de te présenter aujourd’hui ?

Christie : Un de mes centres d’investigation, c’est le temps et son apprivoisement. C’est un sujet que j’adore, et je suis en train d’écouter un audiobook d’Olivier Burkeman qui s’appelle Meditation for mortals. Il y a des milliards de choses qui pourraient me définir mais ces jours-ci, je suis fort nourrie  par l’écoute de ces méditations, à raison de 7 ou 8 minutes par jour. Toute ma journée est infusée par le chapitre du jour. Ces derniers jours, Oliver Burkman disait : « Quand tu finis une tâche, ça te libère de l’énergie. » Et moi, en effet, il y a plusieurs projets que je suis en train de terminer ces jours-ci.

L’envoi de mes livres et la promo de mon livre — ce n’est pas exactement terminé mais il y a une partie qui me demandait beaucoup d’énergie, et il est temps, je le sens, que je passe à  autre chose.

Je termine aussi la relation de coaching avec une de mes clientes très appréciée, ça veut dire que je vais devoir aller chercher d’autres clients chouchous  — je suis coach aussi, j’ai créé et j’anime un programme de coaching qui s’appelle J’avance vers mes joies.

Si je suis contente de terminer ces projets, c’est parce que j’estime que j’ai fait du bon boulot, et je suis excitée de ce qui va arriver après, de l’énergie libérée. J’adore tester des trucs, et rien ne me rend plus heureuse que porter un projet puis le mettre au monde. Me poser plein de questions, commencer à y répondre, demander leur avis aux gens… C’est tenter de résoudre une série d’équations. Adolescente, j’adorais les maths, et ça me manque de ne plus en faire. Mais grâce aux questions liées aux projets que je porte ou aux « problèmes » de ma vie, je pose des équations en permanence. Donc, j’adore à la fois écrire, c’est le champ des histoires, et poser des questions, et résoudre des équations et aider mes clients et mes lecteurs à le faire, dans le champ mathématiques.

Parmi les autres choses que j’aime, il y a  parler anglais aussi, et parler espagnol, et mon chien qui vieillit, et que je chouchoute de mon mieux, mais c’est difficile parce qu’il n’est plus du tout comme avant. Par exemple, il est très imprévisible dans son désir de promenades, un jour c’est une fois, le lendemain c’est trois balades. Voilà, en ce moment, je réapprivoise les gens que j’aime dans leurs différents états d’être, et ça, c’est un travail… pas à plein temps, mais quand même ! Un travail de réadoption de soi et des autres, moi-même, mes aimés, mon chien donc, mes amis, mes parents, et mes clients.

Amélie : Ça fait longtemps que je te suis et pour moi, tu es vraiment quelqu’un qui mène une existence créative, à la fois via l’écriture mais aussi via 1000 autres petites ou grandes choses. La broderie, les dessins, tes marque-page en collages, le soin que tu mets à ton jardin, enfin… tout !

Christie : Pas « tout ». Oui, je m’intéresse à plein de choses, mais ce sont plutôt les domaines qui réclament. Ce n’est pas moi qui décide. Il y a une phrase de Pierre Michon qui dit « Le roi vient quand il veut ». Mon prof de yoga dit « On ne décide rien ». Quand il a dit ça, j’ai ressenti qu’il exprimait l’une des vérités profondes de ma vie. Alors bien sûr, que je peux décider de ne pas écouter mes voix mais j’ai une broche, là, un chat en métal doré modelé par Jean Cocteau à la créativité tellement protéiforme ; ce chat, c’est ma broche de fiançailles avec ma créativité. J’ai un engagement renouvelé avec elle. Je demande à être guidée, j’écoute la guidance et je crée ce qui appelle à être créé à travers moi. 

Amélie : Et la créativité, est-ce qu’elle a toujours été ta copine ? Tu lui as toujours fait de la place ?

Christie : Ma mère nous a inscrits, mon frère et moi, quand j’avais cinq ans et lui deux, à un atelier d’Arnaud Stern qui s’appelait Atelier d’éducation créative. La méthode disait : vous créez, vous prenez plaisir à créer et à avoir créé, mais une fois que c’est fait, on ne garde pas vos créations. C’était vraiment « creating for the sheer act of creating ». A la maison, on a toujours eu à notre  disposition des feuilles, des stylos, des papiers, tous les livres qu’on voulait à la bibli… Et c’est pour ça que ma lettre s’appelle “Plenty of paper” : j’ai rarement peur de gâcher du matériel !

Amélie : Est-ce qu’il y a des périodes où tu te sens désertée par ta créativité ?

Christie : Ah non. Il y a des moments où elle est plus ou moins féconde et fertile, mais je sais que si je fais mes artist dates et mes pages du matin, elle reviendra. Je n’ai aucun doute. Je connais les quatre saisons, je sais qu’à des moments de ma vie, j’ai été hyper productive et d’autres beaucoup moins, mais la seule décision que j’ai à prendre, c’est de faire les artist dates et les pages du matin, de continuer et de noter mes idées, et aussi de rendre service, d’avoir des engagements vis-à-vis des autres.

Moi, mon problème, c’est davantage  d’avoir trop d’idées que pas assez. HEC m’a appris une chose, c’est le fait de terminer les projets. Un projet n’a aucune valeur s’il n’est pas fini et envoyé. Donc j’ai des rituels pour faire et « envoyer ma création au monde ». Genre mon blog, même si j’ai rien à dire, je vais l’écrire. Parfois, c’est pas passionnant, parfois c’est passionnant, on n’en sait rien à l’avance. Ce qui me passionne moi peut n’avoir aucun écho, et le contraire aussi. Le résultat de mon travail ne m’appartient pas, seul m’appartient le fait de m’y mettre et d’appuyer sur le bouton « envoyer ». 

Mes principes m’aident à créer. Et le plus souvent, je m’en fous que ce soit bien ou pas, moi, ce que je veux, c’est faire. Après, quand je gagne des sous avec un bouquin, ou quand j’envoie un dessin pour lequel les gens ont payé, hum… j’espère que ça va être au niveau de leurs attentes ! Mais j’y peux rien, je peux juste faire de mon mieux, me pointer et faire de mon mieux. Donc… je fais ça. J’ai décidé de faire ça.

Amélie : Tu as parlé au début d’écouter les voix qui sont là et qui réclament, et je me demandais si tu avais aussi des voix qui jugent ce que tu fais ? Si pas, quelle est cette sorcellerie, et si oui, comment tu t’en dépatouilles ?

Christie : Les voix, je sais qu’elles seront toujours là. Par exemple, j’ai produit plusieurs dessins pour les donner aux personnes qui m’ont commandé des bouquins, et il y en a que je trouve super, et d’autres… pas terribles. Il y en avait un que j’avais pas vraiment envie de dessiner, que j’ai dessiné tard un soir. Et j’en avais tellement marre… que j’ai changé les couleurs. J’ai mis des couleurs qui n’avaient rien à voir avec les plantes que je dessinais. Et là, mon dessin est devenu intéressant. C’est intéressant d’observer quand la résistance arrive. Paf, c’est là où le travail souvent commence à devenir chouette, enfin, à me plaire. J’ai intégré que c’était pas à moi de juger mon travail, c’était à moi de le produire.

Quand j’ai dit que je faisais un truc, que je me suis engagée auprès de quelqu’un, eh bien je le fais. Parfois je suis un peu en retard, mais je fais. 

Je sais que la vie est longue. L’objectif, c’est de créer tous les jours. Peu importe si c’est un chef d’œuvre ou une œuvre oubliable. La styliste et designer Paula Gerbase a prononcé dans un podcast une phrase qui m’aide. Elle avait 40 ans de carrière, et elle disait « Trois quarts du travail que j’ai accompli, c’est de la merde. C’était hyper dur de m’en rendre compte, mais ça veut dire que j’ai quand même à mon actif 10 ans de projets qui sont super ! » Moi, j’ai commencé à 36 ans la méthode de Julia Cameron. Je vais créer toute ma vie, et peut-être vivre jusqu’à 100 ans. Ça fait 60 ans de création. S’il y a 15 ans de créations intéressantes, c’est cool ! Sauf que je ne peux pas savoir à l’avance ce qui aura de la valeur ou non. Mon boulot, c’est d’y aller.

Alors j’ai des outils, des échéances, je me mets des belles boucles d’oreille, je rassemble mes idées avec des mind-mapping… C’est irrésistible, un mind-mapping. Un par chapitre, et après, j’écris. Pas forcément exactement ce que j’ai mis dans le mind-map, mais ça me donne une structure rassurante pour avancer dans mon chapitre.

Après, il y a des moments où ça ne va pas. Dans ces cas-là, j’ai des coachs, des copines, des collages, des gens que j’aime, le chien, mes enfants, la marche, le soin à mes plantes. Je suis entourée de gens qui m’encouragent, clients et éditeurs inclus. Les autres n’ont plus de place dans mon écosystème. Même sur Instagram, je suis super vigilante des personnes auxquelles je me relationne. Je suis des comptes qui me font réfléchir de manière positive. Même quand c’est pas des informations positives. Si je commence à me sentir un peu jalouse, ou un peu triste, ou si je garde une mauvaise tristesse, je me désabonne. Instagram est pour moi un lieu de créativité.

Amélie : Tu as ton blog quasi quotidien depuis 20 ans — tu y écris tous les jours quand tu n’es pas en vacances ou en train de former —, tu as le dessin, la broderie chaque été sur ton grand tote-bag où tu rajoutes un motif… Comment tu choisis ces projets ?

Christie : Ils m’arrivent. Le sac à broder, j’ai acheté un tote-bag et ça a été mon sac de plage à Belle-île. J’ai brodé un soleil trèèèès simple, je l’ai montré à Nicolas, toute fière, et il m’a dit « tu pourrais faire mieux dis donc ». J’étais vexée mais il avait raison. L’année suivante, j’ai commencé à faire un dessin plus fourni et puis j’ai eu envie de continuer ma broderie. Cette année, j’avais décidé de ne pas broder mon sac, mais les filles de la famille  ont protesté, parce que du coup, ma fille s’y est mise, ma tante aussi, ma cousine… Alors on papote et on brode en même temps, sur la plage.

Mes créations viennent souvent de moments où on s’est confronté avec les gens que j’aime. Pour le blog, Nicolas en avait créé un, et il m’a dit « Fais-le, tu vas adorer », et je lui ai répondu « Jamais de la vie je raconte ma vie sur un blog ! ». Et puis avec une amie, on a créé un club de lecture, on publiait des compte-rendus sur un blog, et très vite, je me suis rendu compte que j’avais envie de raconter des choses qui ne rentraient pas dans le cadre d’un compte-rendu de club de bouquins !! Alors, dans la foulée, j’ai créé mon propre blog maviesansmoi.

C’est toujours une espèce de concours de circonstances…

Amélie : Et comment tu fais pour ne pas t’essouffler quand il n’y a plus de nouveauté ? Il y a l’engouement des débuts de projet, et puis ça passe. Comment tu gardes ton autodiscipline pour qu’elle reste source de joie et de motivation ?

Christie : L’an dernier, je me suis rendu compte que dans certains de mes projets, je donnais beaucoup, sans contrepartie suffisante à mon goût ; ça me rendait grognon. Et quand il y a de la colère, c’est qu’il y a quelque chose à réajuster. Faut-il que j’augmente des prix, que je demande des commentaires ou des retours aux personnes embarquées dans le projet ?… J’ai conscience que c’est pas la faute des autres si j’ai le sentiment de trop donner, c’est moi qui ai mis un cadre qui ne me convient plus. Il m’appartient de  réajuster le cadre.

Amélie : C’est ça qui te permet de conserver ton élan pour les projets ? Repérer quand ça ne te convient plus et réajuster le cadre pour que ça continue à te convenir ?

Christie : Oui, tu vois, j’aime écrire, créer des programmes, et accompagner mes clientes. Ces trois verbes sont mes trois vocations. Ce sont mes priorités dans la vie, c’est ça que je fais. Et du coup, tant que j’ai pas décidé autre chose, la question, c’est plutôt : comment je continue au mieux pour moi et le monde de vivre ces verbes ? Comment je crée de la valeur avec ce que je fais, de la valeur pour le monde et pour moi, sans oublier le monde et sans m’oublier moi ? Je travaille à ça. C’est un gros travail, qui me maintient en alerte.

Amélie : Est-ce que tu peux présenter ton livre qui vient de sortir, Vivre pleinement son ikigai ?

Christie : J’avais lu cette phrase qui m’a marquée : « Le problème, ce n’est pas tant de trouver sa vocation que de trouver comment on va en vivre, et comment on va pleinement assumer d’aimer ce qu’on fait et remplir nos journées, nos agendas et notre frigo avec cette activité aimée. » J’ai trouvé que le sujet était hyper bien posé. Et même si je n’ai pas encore résolu cette équation, j’avais envie de dire ce que j’avais déjà trouvé comme éléments de réponse, et aussi d’avoir l’espace de réfléchir à ce sujet.

Parallèlement, je vis des bouleversements physiques, personnels, qui me mettent dans une position différente pour aborder la vocation. Notamment, avec le départ de mes filles de la maison, j’ai plus de temps, et besoin de trouver un nouveau sens, et j’ai la possibilité de m’ouvrir davantage au monde.

Je me disais que ça faisait deux bons sujets de bouquin. Et puis en fait, d’un seul ! La question fil rouge, c’est : comment je mets mon don au service du monde, davantage au moment où je deviens une maman plus complètement « active ». 

J’avais envie d’un livre très honnête et vulnérable. J’ai essayé d’aller loin dans la description des émotions, dans la difficulté que j’avais parfois à vivre l’an dernier…

Je voulais que ma lectrice et mon lecteur s’emparent du livre et que ce soit une aide dans leur propre cheminement. Un espace pour l’âme des lecteurices et la mienne. Un endroit où mes questions rencontrent leurs questions.

Amélie : Une des choses que j’aime, dans ton livre, c’est cet équilibre entre l’accueil des émotions, ET le passage à l’action, et la recherche de l’action juste. Il y a de la douceur pour ce que tu es en train de vivre, l’écoute de ce qui se passe (même si bien sûr, il peut y avoir des résistances), la conscience que ce n’est pas facile, que tu as besoin de soutien, de trouver d’autres ressources… Et à la fois, ce truc de ne pas être dans la complaisance, de trouver le bon endroit de l’action. Que ce ne soit pas une action forcenée d’évitement, de « aah je vais tout remplir à tout prix »… Tu parles de ne pas voir l’autre montagne qui arrive…

Christie : Oui, tout à l’heure tu me demandais si j’avais des pannes de créativité… l’année dernière, j’ai quand même eu une grosse panne de sens. Quand tu ne vois pas la montagne d’après, c’est méga flippant…

Amélie : C’était ma question, justement, est-ce que tu as l’impression, aujourd’hui, d’avoir trouvé la montagne d’après ?

Christie : Non, pas vraiment. Et je suis  contente d’avoir mon projet modeste et qui m’enchante, de Calendrier de l’Avent. Il  me soutient. L’année dernière, je ne me projetais que dans le « maintenant maintenant ». Ça faisait court comme horizon temporel. Là, tu vois, je me projette jusqu’à Noël. On a progressé. 

Je vois qu’il y a de nouveaux pans qui se détachent de moi, et je ne sais pas pourquoi. Je n’ai plus tellement envie d’aller au yoga. Et je ne vais plus à la messe. C’est pas vraiment une décision, c’est juste que j’ai moins  envie d’y aller. Et je me dis : c’est marrant, tu étais super régulière pour ces deux activités, et aujourd’hui, elles se refusent à toi. C’est le signe de quoi ? À côté de ça, je suis dans un nouvel accompagnement thérapeutique, je suis curieuse de ce qui va surgir de cet espace avec mes thérapeutes. 

Dans mes questionnements mensuels, il y a une case « flux entrant » et « flux sortant », et, je regarde ça, ce qui entre et ce qui sort de ma vie. C’est comme lorsque je me tiens devant la mer. Je ne décide pas des marées, j’en prends acte, et comme un marin, j’adapte ma réponse à la marée. Qu’est-ce que je fais de ça ? Pour l’instant, j’ai pas trouvé. Donc juste, je regarde les flux sortants, avec la confiance que je vais trouver une réponse, parce qu’il n’est pas question que je n’aie pas de vie spirituelle ou de vie sportive… La question, c’est ce qui va venir prendre la place. Les réponses, ça prend du temps à émerger.

Amélie : Quand elles arrivent pour toi, les réponses, elles arrivent sous quelle forme ? C’est un truc très précis ? Ou est-ce que ce sont des petits flous, des petites briques qui se mettent en place ? Ça ressemble à quoi ?

Christie : Ça dépend. Il y a des fils ou des courants souterrains qui sont à l’œuvre… Et tout à coup, le courant surgit à l’air libre. C’est comme quand on dit : « ohlala, c’est une réussite du jour au lendemain. » Mais c’est rarement le cas. Souvent, les gens sont un peu surpris quand je leur annonce que je vais faire ci ou ça. Mais en fait, ça se profilait depuis un moment.

Je vois bien qu’il y a quelque chose en train de se dessiner, mais je sais pas encore à quoi va ressembler le dessin. Mon travail, c’est de l’observer, de le regarder, d’accueillir les signes, de discuter avec toi par exemple ou d’autres gens en qui j’ai confiance pour avancer. Aller voir mon superviseur, écrire mes pages du matin, marcher, faire silence, écouter des podcasts, et tout ça. Si je me nourris de bonnes choses et que je regarde attentivement ce qui est en train de se passer, je trouverai les réponses. C’est juste qu’il ne faut pas être impatient.

Mais c’est comme avec une bonne série ! Je suis pas trop pressée que la série arrive à son terme. Pour les questions, idem. Quand tu trouves la réponse, c’est comme quand la série est terminée… Et c’est un peu triste aussi. Donc je suis contente d’être dans ces questions-là, ça m’intéresse de voir ce qu’elles vont donner, j’ai confiance et je ne suis pas pressée.

Amélie : Et justement, en parlant de questions… C’est une caractéristique de ton livre, de tes livres…

Christie : De ma vie !

Amélie : Aha. J’aime bien parce qu’on m’a tellement dit que je me posais beaucoup de questions, avec toi j’ai l’impression d’avoir trouvé quelqu’un pour qui c’est le cas aussi. Comment tu trouves ces questions qui ouvrent de nouvelles perspectives ?

Christie : Alors, pour commencer, j’ai les miennes. Chaque semaine, dans mon agenda, j’ai une double page où je note toutes les questions qui me viennent à l’esprit. Et puis je me fais un fichier word où je rassemblerai toutes les questions de 2024.

Ensuite, James Clear, qui a écrit Atomic habits, pose une question par semaine. Une bonne question à la fois, j’aime bien. C’est très compliqué, l’art de la question. Parce qu’il faut qu’elle soit un peu difficile pour rejoindre la personne à qui elle s’adresse, mais pas trop difficile, parce que sinon, elle va pas l’attraper. Mais une à la fois, ça suffit.

Moi, j’essaie de poser une question ou deux maximum par chapitre. Si tu veux que la question soit considérée et méditée et ruminée et mâchonnée, il faut qu’elle ait de la place. Ce que j’aime bien avec les questions de James Clear, c’est que souvent, je ne trouve pas la réponse tout de suite, et ça me met un peu au désespoir. Relatif, mais quand même ! Je me la pose le lundi, et j’ai confiance qu’au fil de la semaine, je risque de trouver la réponse, et ça me fait vachement plaisir. Donc James Clear fonctionne bien avec moi.

Mais franchement, j’ai souvent du grain à moudre avec mes propres questions de Christie.

Amélie : Tes questions fétiches du moment, c’est quoi ?

Christie : J’ai parfois des questions très précises — « À qui j’adresse mon Calendrier de l’Avent ? » ou « Comment j’augmente la valeur perçue de mon travail ? », et parfois d’autres questions beaucoup plus larges, comme « À quoi suis-je appelée ? » ou « Quel est le prochain petit pas ? », « Quelle est ma prochaine montagne ? » ! Les questions précises, elles sont moins existentielles mais je les aime bien, ça veut dire que j’ai un projet qui me tient à cœur à l’instant T. Et puis quand le projet est terminé, quand les questions ont été résolues, je reviens à des questions larges pour trouver mon prochain projet qui va générer des questions précises.

Amélie : Dans ton livre, mais aussi sur ton blog ou dans ta newsletter, tu as un ton super personnel, qui laisse beaucoup de place à la vulnérabilité et à l’imperfection d’être humain. Je me demandais comment c’était pour toi de te montrer comme ça et comment… Nan, stop, une question à la fois 😉

Christie : Hmm, je ne suis pas complètement honnête, il y a des choses dont j’ai plus de mal à parler que d’autres. Mais j’essaie d’avoir la plus grande honnêteté possible. Même si je me rends compte que je me présente quand même généralement sous un jour favorable. Ça me gêne, hein, cette imparfaite honnêteté. Bon, après j’oublie et je continue à faire de mon mieux. 

Tu vois, un écrivain de fiction peut dire des choses beaucoup plus horribles. En atelier d’écriture, j’écrivais des choses terribles. Mais j’ai arrêté parce que ça me demandait trop d’investissement en temps, en argent, et en… forage. Je n’arrivais plus à donner autant. J’aimerais réussir à laisser parler davantage l’ombre. Mais ça demande un courage et une énergie que, pour l’instant, je n’arrive pas à donner. J’espère pouvoir le refaire quand ce sera le moment. 

Mais la vulnérabilité, montrer ça de soi, je pense que ça aide les gens.

Amélie : Un grand merci, Christie, pour ton temps et le partage d’un bout de ton existence créative !

Pour suivre le travail et la créativité de Christie Vanbremeersch :