La semaine dernière, j’ai eu le plaisir d’animer un atelier d’écriture autour de l’univers de Vincent Delerm, avant d’assister à son (beau) concert deux jours plus tard. Entre nous, ce genre de proposition est une des raisons qui me fait régulièrement dire que mon boulot est parfait (#boulotpassion). Quand j’avais lu le mail qui m’invitait à animer l’atelier, j’étais d’abord restée bouche bée avant de répéter les yeux écarquillés : naaaan mais naaaan ah mais haaaan aaaah trop biiiiieeeen à l’envi.
À l’atelier en question, qui s’inscrit dans un partenariat entre le réseau Kalame et le théâtre 140, je m’attendais à rencontrer des groupies du chanteur. En réalité, mon amie C. qui faisait partie des participant.e.s a répondu à ma question de début “Est-ce que vous êtes fan de Vincent Delerm ?” par “Non, en fait on est fan de toi !”, ce qui m’a un peu fait balbutier.
Pas de fans de Vincent Delerm, donc, sinon moi, qui avais trouvé tout à fait fantastique de pouvoir passer du temps de préparation d’atelier à rererere(…)regarder des DVD de spectacles et à écouter toutes les inédites de Vincent jamais enregistrées dans les tréfonds de Youtube.
Vincent Delerm étant souvent considéré — à tort me semble-t-il — comme quelqu’un de complètement dépressif, j’avais à cœur de montrer, dans les extraits, chansons, textes que j’allais partager, le côté humoristique et la capacité d’auto-dérision qu’il possède et qui le rendent, selon moi, si attachant.
Nous avons par exemple travaillé sur un des procédés qu’il utilise régulièrement, et qui consiste à prononcer une phrase tout à fait anodine avant de s’attarder sur son sens caché, sur l’implicite de l’expression utilisée. C’est le cas par exemple dans la chanson “Les assiettes”…
… ou dans la conclusion de cet extrait de spectacle.
La consigne était donc d’écrire un récit où une phrase banale serait finement analysée. Amour de l’OuLiPo oblige et sur une proposition d’un participant habitué à ce que je donne un peu plus de contraintes, nous avons compliqué (?) la chose en partant tou.te.s de la même phrase : “On peut faire ce qu’on veut.”
Pour moi, c’était l’occasion de m’attarder un peu sur une expérience en cours d’ateliers d’écriture avec des enfants — ah, écrire en atelier *sur* l’atelier, encore un coup des boucles d’oreilles de la Vache qui rit ! — expérience qui me fait beaucoup grandir tout en me posant mille questions sur la gestion de l’autorité, le développement de l’enfant, les ressorts de la motivation, etc. Comme ça fait *aussi* partie du #boulotpassion évoqué plus haut, j’avais envie de partager ce texte ici.
(Il est donc inspiré de la vraie vie mais est un exercice de “réalité augmentée” : éléments déformés et inventés en nombre. Pour un récit tout à fait véridique d’un atelier franchement compliqué, vous pouvez vous rendre dans la Villa réflexive, par ici !)
“On peut faire ce qu’on veut”
C’est le vendredi de 16 à 17h après deux heures de sport, plage horaire absolument judicieuse pour espérer capter l’attention de douze pré-ados à l’aube de leur week-end et partager avec eux une approche de la littérature par le “faire”, en leur proposant d’écrire pour découvrir une autre manière de s’approprier cette fichue langue qui leur pose tant de problèmes au quotidien. C’est dans une salle étriquée avec des chaises de la mauvaise taille, des crayons sans mine, des feuilles sans lignes et un tableau qu’on n’a pas le droit de salir parce qu’il a déjà été nettoyé, espace absolument judicieux pour… bref.
J’explique, j’implique, on applique ?
Je carbure, je rassure, je murmure : “En fait, on peut faire ce qu’on veut !”Non, pas sortir les GSM (pour ceux qui avaient bien rangé les leurs), mettre de la musique à fond et les pieds sur la table, du coup partir madame ?, aller jouer au foot, dessiner des sexes masculins sur le tableau noir, raconter la blague du pingouin qui respire par les fesses, il s’assied et il meurt, et se rouler par terre de rire, se mettre à se battre, faire une sieste la tête entre les bras, déchirer lentement le papier, se mettre torse nu.
Non. Non…
Dans “on peut faire ce qu’on veut”, moi je voyais juste, écrire au crayon ou au feutre, sur une feuille blanche ou de couleur, lignée ou à carreaux, avec des rimes ou pas, en parlant de sa réalité de pré-ado à l’aube de son week-end ou bien de l’arrivée des extraterrestres, du régime politique à Cuba ou d’une promenade dans les bois, révéler ses mots aux autres ou les garder pour soi, faire lire par un ami, se donner le droit d’être ému.e, de se surprendre, chercher l’inspiration au plafond, écrire une ligne ou cent, faire des fautes, inventer des mots, écrire du moche et le trouver beau, et souvent plutôt inversement.Vendredi soir, quel manque de créativité de ma part !
Et comme souvent, mine de rien, ça fait du bien de l’écrire ! Un clin d’œil à l’autodérision de celui au travail que j’aime tant ! Merci Vincent.