En février, je n’ai pas lu autant que j’aurais voulu. Mais lit-on seulement parfois autant qu’on le voudrait ? Du mal à me concentrer, à me perdre entre les pages, à me laisser aller, j’ai butiné, j’ai commencé plein de choses sans réussir à m’y engager totalement (peut-être vous en parlerai-je en mars, donc, de ces bouquins attaqués mais pas encore terminés).
Quand même :
Lectures de février, le corps le cœur ébranlés
Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan.
Résumé ici. Il y a quelques temps, j’avais lu D’après une histoire vraie, qui m’avait totalement fascinée et que j’avais dévoré en un week-end. Un peu le même schéma ici, je suis passée chez les bouquinistes le vendredi après-midi, j’ai fini les 435 pages le lundi matin, et c’est pile ce dont j’avais besoin, quelque chose qui aspire — inspire, même, peut-être ? Une enquête autobiographique sur les secrets de famille & l’indicible.
“Il y a quelques mois, un jour que je prenais un taxi pour me rendre à l’aéroport de Roissy, le chauffeur s’est mis à me questionner sur ma destination, les raisons de mon voyage, mon métier… Il est rare que je prenne des taxis (mon éditrice qui connaît ma phobie la relie à Lucile), le fait est que je finis toujours, à l’arrière des berlines, par avoir mal au cœur. Ce matin-là pourtant, je fis l’effort de répondre au chauffeur, d’abord un peu évasive, et puis, comme il insistait, je finis par lui dire que j’écrivais.
— À quoi c’est dû ? m’a-t-il demandé, exactement comme s’il s’agissait d’une maladie, voire d’une punition, ou d’une malédiction.
Dans le rétroviseur, il m’observait d’un œil compatissant.
À quoi c’est dû ?
Lorsque je vais à la rencontre des lecteurs, dans les bibliothèques, les librairies ou les lycées, on me demande souvent pourquoi j’écris.
J’écris à cause du 31 janvier 1980.
L’origine de l’écriture se situe là, je le sais de manière confuse, dans ces quelques heures qui ont fait basculer nos vies, dans les jours qui les ont précédées et le temps d’isolement qui a suivi.”
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Petit pays, Gaël Faye
Résumé ici. La grande histoire, celle avec sa grande hache, imbriquée dans la petite, celle de l’enfant français et rwandais qui vit tranquillement avec ses copains dans une impasse de Bujumbura, au Burundi, qui joue, qui apprend. Terrible roman sur ce que c’est de grandir dans un monde comme ça.
Lundi 4 janvier 1993
Chère Laure,
Gaby c’est mon nom. De toute façon tout a un nom. Les routes, les arbres, les insectes… Mon quartier, par exemple, c’est Kinanira. Ma ville c’est Bujumbura. Mon pays c’est le Burundi. Ma sœur, ma mère, mon père, mes copains ils ont chacun nom. Un nom qu’ils n’ont pas choisi. On naît avec, c’est comme ça. Un jour, j’ai demandé à ceux que j’aime de m’appeler Gaby au lieu de Gabriel, c’était pour choisir à la place de ceux qui avaient choisi à ma place. Alors pourras-tu m’appeler Gaby, s’il te plaît ? J’ai les yeux marron dont je ne vois les autres qu’en marron. Ma mère, mon père, ma sœur, Prothé, Donatien, Innocent, les copains… ils sont tous lait au café. Chacun voit le monde à travers la couleur de ses yeux. Comme tu as les yeux verts, pour toi, je serai vert. J’aime beaucoup de choses que je n’aime pas. J’aime le sucre dans la glace mais pas le froid. J’aime la piscine mais pas le chlore. J’aime l’école pour les copains et l’ambiance mais pas les cours. Grammaire, conjugaison, soustraction, rédaction, punition, c’est la barbe et la barbarie ! Plus tard, quand je serai grand, je veux être mécanicien pour ne jamais être en panne dans la vie. Il faut savoir réparer les choses quand elles ne fonctionnent plus.
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Et vous, que faites-vous des lectures qui vous secouent ?